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Vivre à la campagne en France de 1815 à 1980

« Deux jeunes paysannes » de Camille Pissarro (1891-1892), dans un champ proche de la maison de l’artiste à Eragny (Oise).

Les témoignages directs nous permettent de mieux comprendre comment les ruraux ont vécu et traversé les mutations de ce siècle et demi.

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Deux années durant, l’histoire des campagnes est au programme pour les futurs professeurs d’histoire qui passeront l’agrégation. Elle l’est doublement : pour la période de 1634-1814 et pour celle de 1815-1979. C’est exceptionnel. Pour la seconde période, le monde rural arrive même au premier plan. Il est vrai que du début du XIXe siècle à la fin des Trente Glorieuses, on passe d’un monde à l’autre. La mondialisation des échanges, les conflits et surtout les deux guerres mondiales, la révolution scientifique et technique, la déchristianisation, l’urbanisation progressive... tous ces facteurs interrogent l’évolution du monde rural français. Ce dernier est un observatoire de l’accélération de l’histoire européenne avec ses décalages nationaux, sociaux et régionaux.

Ces ruraux qui ont formé la majorité de la population jusqu’en 1931, qui étaient-ils ? Comment ont-ils vécu et traversé les mutations croissantes de ce siècle et demi ? Longtemps les ruraux ont été majoritaires et ils ont atteint leur maximum historique avec 27 millions d’habitants vers 1850. La chute est d’autant plus forte ensuite, surtout après 1918. Ils ne sont plus que 15 millions en 1970. Au sein de cet ensemble, le monde agricole lui-même connaît un effondrement constant à compter du Second Empire : à lui seul, il représentait plus de la moitié de la nation jusqu’en 1870, à peine 10 % un siècle plus tard. Il importe de bien mesurer à quelles réalités sociales ces chiffres renvoient et comprendre comment on est passé des campagnes pleines à la désertification.

Avec cette période, les travaux spécialisés s’accompagnent d’une ressource nouvelle : les témoignages directs. La fréquentation des récits de vie, des autobiographies — beaucoup de témoins ont publié récemment leur histoire familiale, certains sont toujours de ce monde et ne demandent qu’à être interrogés —, des recueils de sources vivantes, voilà un exercice salutaire et passionnant. Rien ne saurait remplacer ces échos directs que magnifient la littérature paysanne comme La vie d’un simple ou Paysans par eux-mêmes d’Émile Guillaumin, mais aussi le cinéma et la littérature.

Comprendre cette époque, c’est articuler le changement et la continuité vécus dans les campagnes. De la Bretagne de Jean-Marie Déguignet (Mémoires d'un paysan bas-breton) ou Pierre-Jakez Hélias (Cheval d'orgueil) aux campagnes du Centre chères à Émile Guillaumin, des vignobles du Midi modernisés par Ernest Morin au cœur du Bassin parisien, avec les Pluchet ou les Decauville, les acteurs n’ont pas manqué. Sans oublier les combats locaux et nationaux des agriculteurs et des ingénieurs sortis de la Jeunesse agricole catholique (Jac) comme Joël Robin ou Louis Malassis et aussi les témoignages féminins comme ceux de Mémé Santerre, d’Augustine Rouvière ou d’Émilie Carles (Une soupe aux herbes sauvages). Majoritaires hier, les ruraux avaient conservé au maximum les traits essentiels de l’ancien monde. Minoritaires aujourd’hui, ils regardent plus vers l’avenir que vers le passé.

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